EXTRAIT DU ROMAN ET ICONOGRAPHIE
L’IMPERATRICE, arcane majeur parmi les majeurs. La troisième lame des Tarots. Chiffre impair, si peu lié au féminin habituellement. III qui permet de construire la première figure fermée élémentaire. La matrice en évolution sur la lame du Bateleur. Le triangle. C’est le II plus le I, le principe féminin plus le principe masculin. Il en résulte l’enfantement. L’IMPERATRICE connait les mystères de la vie. Elle est la mère aimante et compatissante de toutes les mères.
Les trois couleurs primaires s’associent pour engendrer toutes les couleurs. Le blanc. La lumière. Faisant du III le symbole de l’intelligence. C’est ce qu’apporte L’IMPERATRICE au Bateleur lors de ce deuxième pas sur son chemin initiatique. Avec LA PAPESSE, il a acquis des connaissances. Avec elle, il va apprendre à les utiliser.
Sur la lame, elle est assise. La position de celle qui sait. De face, parce que dans le présent. Cependant, elle tourne le regard vers la gauche. L’avenir. L’amour. L’EMPEREUR. Son époux. Son protecteur. Celui qui la guide dans le processus d’acquisition de la maturité.
LE BATELEUR est la tendre enfance, le Moi. LA PAPESSE, l’enfant apprenant, découvrant le Surmoi. L’IMPERATRICE est l’adolescence libre et joyeuse, pleine de rêves de jeunesse, de soif d’absolu, prête à tout investir dans un gai fanatisme. Son mentor L’EMPEREUR est là pour canaliser cette pulsion vitale en moteur de croissance.
Comme LA PAPESSE, L’IMPERATRICE est vêtue de robes longues. Toutefois, elles sont plus fluides, légères. Elles ne tombent pas avec lourdeur jusqu’au cadre de la lame. On la sent prête à bouger, à partir, à accomplir le pas suivant sur la voie de son développement personnel.
Ses robes sont celles de la femme gestante. Jupe souple. Tunique longue, ceinturée sous les seins. La taille n’est pas serrée pour ne pas comprimer le ventre à venir. Cependant, la gestation n’en est qu’à son début. On n’en devine rien. Seules quelques ombres esquissées la suggèrent.
Elle a pourtant la position de la parturiente, de la femme prête à accoucher. Les genoux écartés, les cuisses ouvertes pour laisser le passage à l’enfant. Ou accueillir son amant. Elle est l’épouse, la femme, la mère. La femme-mère chaleureuse et fertile.
C’est également l’attitude de l’homme au repos. Confortable dans sa masculinité mise en évidence. L’IMPERATRICE est double. Elle affiche avec sérénité sa part masculine assumée. Dans ses vêtements, les couleurs bleu et rouge s’équilibrent. Indiscutablement belle et femme, elle est affublée d’une pomme d’Adam sous son fin visage. Noyau masculin au cœur de la féminité. Son physique est androgyne. La poitrine n’est marquée que par l’empiècement « princesse » de la tunique. Androgynie de l’adolescence. Période entre toutes de formation et de maturation. L’IMPERATRICE n’est qu’un passage.
Elle porte les cheveux longs, blonds ou blancs, liés dans l’inconscient collectif à la faible femme… ou à la force de Samson…
Avec elle, paradoxes et contraires coïncident. Elle symbolise la vulnérabilité sous la force apparente. L’illusion de l’être humain qui s’imagine tout maitriser parce qu’il détient les attributs royaux.
Elle est installée sur un trône de couleur chair indiquant qu’elle agit sur l’humain et se repose sur lui. Le dossier évoque des ailes d’ange. Celles de la déesse qui protège les rois. « Je suis tes père et mère. Je t’ai élevé entre mes ailes ». Elles lui permettront de prendre son envol. Symboles, comme le bénitier de l’accoudoir, de la naissance à la vie.
Elle ceint une lourde couronne richement sertie de joyaux.
Sur certaines représentations, celle-ci est plus petite, légère, L’IMPERATRICE y parait davantage hiératique, sereine et souriante, mais rigide. Sa tête est alors entourée d’étoiles. Neuf sont visibles, leur espacement laisse augurer que douze sont possibles. On la retrouve ainsi dans les jeux s’inspirant du Livre de Thot.
Une vision hermétique réduit encore plus les insignes de sa royauté, donnant d’elle une image rétrécie, fade et humble, anonyme derrière son rideau.
Elle perd ses attributs célestes, sa main gauche serre alors l’Ankh en symbole de l’ancienne Égypte.
Dans les versions plus conventionnelles, de cette main gauche, elle tient le sceptre surmonté du globe. Toutefois, elle ne le maitrise pas. Sa main n’est pas encore assez ferme. Il s’affaisse vers la gauche, dans l’exacte orientation de la baguette du Bateleur. Sur les cartes superposées, elle en serait la continuité, occupant la place du globe.
Sur le globe, une croix marque la prééminence du ciel sur la terre, de la spiritualité sur la matière.
Dans son bras droit, elle enserre un bouclier en général triangulaire, symbole de la lame ternaire. Il porte l’effigie de l’aigle. Animal volant associé aux empires, au pouvoir, à la gloire, aux guerriers. Cependant, le symbole impérial comme L’IMPERATRICE est en formation. Son aile n’est pas terminée. Il ne peut pas voler seul. Il n’a pas encore la maitrise des cieux.
C’est l’oiseau qui peut regarder le soleil en face, celui qui s’élève le plus haut. Mais attention ! C’est aussi celui qui peut redescendre le plus vite. Il met en garde. La survalorisation du pouvoir dans l’attachement à l’expression de l’autorité peut s’avérer néfaste. L’IMPERATRICE dans son apprentissage, ne doit pas s’abandonner à la satisfaction de la puissance, elle doit se prémunir d’en abuser. C’est la menace de ses attributs qui paraissent trop lourds pour elle. Le grand sceptre branlant. La couronne plus grosse que sa tête. Si elle se laisse entrainer par leur poids, le rôle l’écrasera, l’emportera. Elle en deviendra la marionnette. La face sombre, négative de L’EMPEREUR.
Comment gérer l’autorité dont on est dépositaire ? Acquérir la distanciation par rapport au pouvoir de L’EMPEREUR est l’étape qu’elle doit franchir. Il lui faut affermir sa résolution, son intégrité intellectuelle et morale en redressant ce sceptre qui semble lui échapper. Par manque de force encore, par inattention d’immature jeunesse ou par négligence. Tous ces possibles sont à corriger.
Pour cela, elle a besoin du soutien de L’EMPEREUR. Même pour les dictionnaires, elle a du mal à exister sans lui, par elle-même. Elle est définie en premier comme la femme de L’EMPEREUR avant d’être celle qui dirige un empire.
Elle est associée à la lettre double Guimel. À la Séphiroth Binah. Au mercure. À la planète Vénus.
C’est un arcane positif et heureux. Une lame équilibrée. Dans les parts féminines et masculines assumées de chacun. Dans les quatre éléments. Les quatre énergies du Tarot et du monde. Liée, par le globe qu’elle porte, à la terre, la fertilité, à l’argent, aux deniers. Au feu, à l’activité par le bâton du sceptre. À l’air, à la voie de l’épée, à l’intelligence et la communication par les ailes de l’ange et celles de l’aigle en formation. À l’eau, à l’affectif et au réceptif dans la coupe du bénitier.