Ce genre littéraire né dans les pays scandinaves (Suède, Norvège, Danemark, Islande et Finlande), s’est imposé à partir des années 1960 avec Maj Sjöwall et Per Wahlöö, créateurs de la série Martin Beck. Il se caractérise par des intrigues complexes et réalistes, une atmosphère glaciale et oppressante, ainsi qu’une critique sociale acerbe omniprésente, qui explore les dysfonctionnements cachés des sociétés nordiques souvent perçues comme modèles. Ses auteurs y intègrent des descriptions de décors saisissants et éminemment exotiques vus de France. Des paysages enneigés, où la vie disparait sous un épais et silencieux manteau immaculé, des villages isolés ou des villes aux allures austères, aux rues grises et glauques où le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle sur l’esprit gémissant, tout renforce une ambiance de solitude et de pesante tension. Les personnages, qu’ils soient enquêteurs ou criminels, sont souvent profondément humains, marqués par des conflits internes et des dilemmes moraux.
Le polar nordique a rencontré le succès pour sa capacité à mêler suspense et réflexion. Au-delà des intrigues policières, il aborde des thématiques universelles telles que l’injustice, les inégalités sociales ou les traumatismes personnels.
Le couple d’anciens à la génèse du genre à donné le jour à une tentaculaire dynastie. En voici les têtes couronnées :
LES REINES DU POLAR NORDIQUE
- Camilla Läckberg (Suède) : Connue pour sa série des enquêtes d’Erica Falck et Patrick Hedström, situées dans la petite ville de Fjällbacka. Ses romans mêlent intrigues modernes et secrets enfouis dans le passé.
- Åsa Larsson (Suède) : Réputée pour sa série centrée sur l’avocate Rebecka Martinsson, qui explore des paysages isolés et des dilemmes moraux profonds.
- Karin Fossum (Norvège) : Souvent surnommée « la reine du crime norvégien », elle est l’autrice des enquêtes de l’inspecteur Konrad Sejer, célèbres pour leur dimension psychologique.
- Yrsa Sigurðardóttir (Islande) : Spécialisée dans des thrillers mêlant polar et éléments surnaturels, elle est une voix unique du genre.
- Anne Holt (Norvège) : Ancienne ministre de la Justice, ses romans combinent des intrigues politiques et judiciaires percutantes, notamment la série Hanne Wilhelmsen.
Elles incarnent la richesse et la diversité du polar nordique, où mystère et critique sociale se conjuguent à des récits captivants.
LES ROIS DU POLAR NORDIQUE
- Henning Mankell (Suède) : Créateur de l’inspecteur Kurt Wallander, il a défini les standards du polar nordique avec des intrigues mêlant suspense et critique sociale.
- Stieg Larsson (Suède) : Auteur de la trilogie Millénium, il a conquis le monde avec ses récits complexes et son héroïne inoubliable, Lisbeth Salander.
- Jo Nesbø (Norvège) : Connu pour sa série mettant en scène l’inspecteur Harry Hole, ses romans se distinguent par leur intensité et leurs rebondissements imprévisibles.
- Arnaldur Indriðason (Islande) : Avec son personnage d’Erlendur Sveinsson, il explore des intrigues profondément ancrées dans la culture et les paysages islandais.
- Jussi Adler-Olsen (Danemark) : Auteur de la série Les Enquêtes du Département V, il captive avec des enquêtes complexes mêlant humour noir et critique sociale.
Ils ont solidifié la réputation du polar nordique comme un genre à la fois captivant et réfléchi, mondialement reconnu.
LES TRES FRANCAIS AUTEURS NORDIQUES – Mes préférés !
IAN MANOOK
J’avais découvert Manook avec Yerruldegger et les steppes de Mongolie. L’expérience s’était avérée intense et j’en ai gardé un exaltant souvenir.
Cette lecture m’a tellement marquée que je l’ai évoquée dans AUX ORDRES DE L’IMPERATRICE. La mère poule pense à ses poussins devenus grands: « Sa gorge se serra. Ses bébés, ses merveilles, éparpillés aux quatre coins du monde. Dans des endroits où elle ne pouvait pas les aider… les soigner, s’ils tombaient malades… C’était pareil pour l’autre, ce grand serin de Thomas. Qui avait voulu devenir vétérinaire toute son enfance, et qui, pour finir, avait fait Agro parce qu’il avait vomi à la dissection de sa première souris… Qu’avait-il eu besoin d’aller compter les lichens des steppes de Mongolie ? Oulan-Bator, rien que le nom la faisait frissonner. Il voyageait à cheval, vivait dans une yourte et arborait une barbe hirsute… Il ne devait pas se laver ni se brosser les dents… Quand il portait son appareil dentaire, elle devait le poursuivre et le menacer presque chaque jour… C’est la première chose qu’il avait dû oublier…«
Je n’ai donc pas hésité à lire Heimaey. Perso, j’ai HORREUR du froid ! Et pourtant, à l’issue de cette lecture, je n’ai eu qu’une envie, partir à la découverte de cette ile glaciale et magnifique posée à cheval sur deux plaques tectoniques. J’ai toujours apprécié le genre « Polar ethno » qui, sous couvert d’une enquête quelconque, nous emmène et nous promène dans des contrées inconnues. Manook est un maitre de cet art. En le suivant à la recherche d’un meurtrier, nous explorons glaciers, volcans, hot pot, cascades etc. ainsi que le cœur des légendes et coutumes qui fondent le mode de vie Islandais. L’intrigue est toujours bien menée et l’écriture haletante. Je vous conseille vivement ces visites touristico-policières.
Quand Jacques Soulniz embarque sa fille Rebecca à la découverte de l’Islande, c’est pour renouer avec elle, pas avec son passé de routard. Mais dès leur arrivée à l’aéroport de Keflavik, la trop belle mécanique des retrouvailles s’enraye. Mots anonymes sur le pare-brise de leur voiture, étrange présence d’un homme dans leur sillage, et ce vieux coupé SAAB qui les file à travers déserts de cendre et champs de lave… jusqu’à la disparition de Rebecca. Il devient dès lors impossible pour Soulniz de ne pas plonger dans ses souvenirs, lorsque, en juin 1973, il débarquait avec une bande de copains sur l’île d’Heimaey, terre de feu au milieu de l’océan.
Le second opus Islandais est de tout aussi bonne qualité. Dans le désert de cendre de l’Askja, au coeur de l’Islande, le corps d’une jeune femme assassinée reste introuvable.
Près de Reykjavik, des traces de sang et une bouteille de vodka brisée au fond d’un cratère, mais là non plus, pas le moindre cadavre. Et dans les deux cas, des suspects à la mémoire défaillante. Ces crimes rappellent à l’inspecteur Kornelius Jakobson, de la police criminelle de Reykjavik, le fiasco judiciaire et policier qui a secoué l’Islande au milieu des années 70 : deux crimes sans cadavres, sans indices matériels, sans témoins, que des présumés coupables finissent par avouer sans pourtant en avoir le moindre souvenir.
Ian Manook est le pseudonyme de Patrick Manoukian, écrivain, journaliste et éditeur français né le 13 août 1949 à Meudon, en France. D’origine arménienne, il puise dans ses racines culturelles et ses voyages pour enrichir son œuvre littéraire. Diplômé en droit et en sciences économiques, il se tourne rapidement vers une carrière journalistique avant de fonder une agence de communication. Passionné par les récits de voyage, il publie sous son vrai nom plusieurs ouvrages dans ce domaine avant de s’imposer dans le polar sous son pseudonyme.
MO MALO
J’ai découvert le Groenland de Mo Malo lors d’un séjour en Afrique. En transpirant à grosses gouttes par 35° à l’ombre, j’ ai frissonné de froid… et d’autre chose… dans l’ambiance glaciale du pays blanc. On sait que le Groenland appartient au Danemark, mais on ne le sait qu’intellectuellement, on ne sait pas ce que cela veut dire d’être Groenlandais. C’est ce genre de découvertes que j’apprécie dans le polar ethno, surtout lorsqu’il est d’aussi bonne qualité que Qaanaak et les deux autres romans de la trilogie.
Dans le vaste pays blanc, l’esprit de Nanook se réveille. Le grand ours polaire, seigneur des lieux, protégera les siens. Jusqu’au bout. Adopté à l’âge de trois ans, Qaanaaq Adriensen n’a jamais remis les pieds sur sa terre natale, le Groenland. C’est à contrecoeur que ce redoutable enquêteur de Copenhague accepte d’aller aider la police locale, démunie devant ce qui s’annonce comme la plus grande affaire criminelle du pays : quatre ouvriers de plateformes pétrolières ont été retrouvés, le corps déchiqueté. Les blessures semblent caractéristiques d’une attaque d’ours polaire. Mais depuis quand les ours crochètent-ils les portes ? Flanqué de l’inspecteur inuit Apputiku – grand sourire édenté et chemise ouverte par tous les temps –, Qaanaaq va mener l’enquête au pays des chamanes, des chasseurs de phoques et du froid assassin. Et peut-être remonter ainsi jusqu’au secret de ses origines.
OLIVIER TRUC & LES ENQUETES DE LA POLICE DES RENNES
Olivier Truc est un écrivain, journaliste et documentariste français, né le 22 novembre 1964 à Dax, en France. Après des études en journalisme, il entame sa carrière en tant que reporter pour divers médias français, avant de s’installer à Stockholm en 1994. Depuis, il travaille principalement pour Le Monde et Le Point en tant que correspondant en Scandinavie et dans les pays baltes. Sa couverture journalistique s’intéresse particulièrement aux questions liées aux sociétés nordiques, aux enjeux environnementaux, et aux peuples autochtones.
C’est grâce à lui que j’ai appris que la moindre des politesses dans l’extrême septentrion, c’est de ne pas marcher sur l’ombre de son voisin. La réapparition de celle-ci à ses pieds, lorsqu’enfin la longue nuit de Laponie cède enfin la place à quelques heures de jours, revêt une importance totalement méconnue (enfin pour moi avant) pour les autochtones Samis.
« Imbolc – La fête des chandelles et ses petits soleils ; des crêpes rondes et blondes. La durée des jours augmente de plus en plus vite. L’astre de lumière est de plus en plus présent. La vie n’est plus restreinte à quelques heures. Les habitants des pays nordiques saluent le retour de leur ombre. » Extrait du roman LES CHOIX DE L’AMOUREUX.
Je vous souhaite à tous de belles lectures hivernales !