Ce blog vous fait découvrir mes « écritures », mes lectures… Je le souhaite également consacré au « bien-vivre ». Après le premier pas vers le calme et la prise en compte de soi, je voulais vous proposer de faire quelques pas de plus.
Le monde, au physique idéal, par l’intermédiaire de l’OMS – organisation mondiale de la santé – s’est penché sur la question et nous a concocté des recommandations.
- Les adultes âgés de 18 à 64 ans devraient pratiquer au moins, au cours de la semaine, 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée ou au moins 75 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.Le monde, au physique idéal, par l’intermédiaire de l’OMS – organisation mondiale de la santé – s’est penché sur la question et nous a concocté des recommandations.
- L’activité d’endurance devrait être pratiquée par périodes d’au moins 10 minutes…
Court extrait… pour avoir toutes les infos aller à
http://www.who.int/dietphysicalactivity/factsheet_recommendations/fr/
Elles peuvent sembler contraignantes et rébarbatives… Pour une vision plus porteuse de l’intérêt de la marche à pied, j’ai préféré écrire et partager avec vous une courte nouvelle.
J’ai longtemps hésité sur le thème de mon récit. Tant de paysages m’enthousiasment.
- La montagne, ses sommets enneigés, son blanc manteau, ses alpages fleuris et verdoyants…
- La forêt en automne où l’on visite la caverne d’un trésor de feuilles, au printemps lorsque les jeunes pousses nimbent l’atmosphère d’un vert léger…
- La mer bleue, grise, verte…
- Les parcs et les enfants qui jouent…
- La campagne, ses bosquets, les blés en herbe, les blés en or aux épis lourds…
- Marcher en groupe, en famille, en solitaire… partager, se recentrer…
Trop de choix ! Le mien s’est finalement porté sur une initiation thérapeutique… Qui j’espère ouvrira les autres horizons à ceux qui partent de très très loin. Je vous en souhaite bonne lecture !
QUELQUES PAS DE PLUS
En refermant la porte de son appartement, son cœur battait un peu plus vite que les autres jours. Elle était très satisfaite. Ce matin elle avait revêtu le joli pantalon bleu foncé, acheté pour le baptême trois ans auparavant. Une belle coupe, un vêtement de marque qu’elle avait eu pour un bon prix, mais qui avait tout de même été une folie. D’abord parce qu’elle n’avait pas vraiment les moyens de dépenser ses sous pour ce genre de chose, et surtout parce qu’elle ne l’avait plus jamais remis. Elle avait continué à enfler, à s’approcher de plus en plus du format « baleine échouée ».
Elle était grosse et moche. Elle l’avait vu dans l’œil du médecin qui l’examinait. Un bilan sanguin minable, cholestérol, glycémie, aux chiffres laissant à désirer, tension aux limites supérieures acceptables et surtout le surpoids avait-il dit, lui jetant un regard noir.
Comme si elle ne le savait pas qu’elle était trop grosse. Obligée qu’elle était de se racheter régulièrement ce qui n’était plus des vêtements, mais des housses couvre-corps.
« – Il faut faire attention à ce que vous mangez, pratiquer une activité physique » avait-il grondé.
Facile de dire ça, mais elle trouvait les soirées longues toute seule avec son chat. Son mari l’avait quitté aux vingt ans de leur dernière fille, pour une jeune femme maquillée au ventre plat sans vergetures, aux seins fermes qui n’avaient pas allaité… Alors pour occuper ce temps solitaire, elle grignotait devant sa télé. Au moins ce petit plaisir, elle pouvait se l’offrir.
Et de l’activité physique, quelle activité physique ? Il la voyait au cours de gym, en collant moulant tous ses plis adipeux, au milieu des autres pimprenelles, des bécasses ricanantes minces et fermes…
« – … de la marche, par exemple. Faites quelques efforts ! avait-il ajouté du haut de son mépris, sinon nous devrons mettre en place des traitements. Vous pratiquerez une nouvelle prise de sang dans trois mois. Si les résultats ne sont pas meilleurs je vous ferai une prescription. »
Elle s’était retrouvée dehors, moral à plat. En regagnant sa voiture s’était achetée un pain au chocolat pour se consoler et parce qu’elle avait trop faim. Les régimes, elle les avait tous faits… ça ne marche pas… Au prix de privations titanesques, elle réussissait à perdre quelques kilos. Pour les reprendre tout de suite après, accompagnés de quelques copains supplémentaires. La marche, bien mignon le toubib ! Elle, le matin, c’était le train de 7 h 21, arrivée au bureau 8 h 30 ; retour le soir 18 h 07, chez elle 18 h 30, si quelques courses 19 h ; jamais envie de ressortir après ça. Le week-end, ses enfants l’invitaient ou elle gardait les petits. Pas question qu’elle rate ça… c’était tout ce qui lui restait.
Dans les insomnies de ses tristes nuits, elle retournait ces pensées moroses dans sa tête. Quelle vie ! Quelle vie désolante et sombre ! Est-ce que cela valait la peine d’être vécu ? Mais il y avait les petits, si elle partait maintenant, elle ne les verrait pas grandir… 5 h du matin, elle ne se rendormirait plus…
Pourquoi s’était-elle levée ce jour-là, elle n’en savait rien. La lumière qui pointait dans les interstices des volets, l’envie d’un peu d’air parce qu’elle avait trop chaud… Elle s’était simplement surprise à ouvrir ses fenêtres trois-quarts d’heures plus tôt que d’habitude. Pour que sa chambre s’aère, pendant qu’elle déjeunait et se préparait. Avant de partir elle faisait son lit, pliant son informe tee-shirt chemise de nuit sous l’oreiller, déposant son linge de la veille dans le panier à linge de la salle de bain. Elle aimait retrouver son appartement, accueillant, rangé et douillet en rentrant après sa journée de travail. Elle avait trainé pour se préparer, mais s’était tout de même retrouvée, chaussures enfilées et clés à la main un quart d’heure trop tôt. Et pouf, comme ça, sans réfléchir, avait décidé de partir à pied.
Pour son train de 7 h 21, elle comptait une demi-heure de trajet, le temps de sortir sa voiture, entre 10 et 15 mn de route en fonction des feux, encore 10-15 mn pour trouver une place sur le parking, ce qui n’était pas toujours facile, et gagner le quai de la gare. Elle avait estimé qu’en trois quarts d’heure à pied, elle serait à l’heure pour son train. Elle fut même en avance.
☼
L’été approchait, cela se sentait. Les haies de pittos de sa résidence étaient en fleur et embaumaient l’oranger, la douceur du sud. Les rosiers des deux massifs de devant étaient magnifiques. De boutons presque orange, des roses s’épanouissaient en grosses fleurs rose pâle bordées d’orangé doux, d’autres arboraient des pétales au rouge profond qui semblait avoir la douceur du velours.
Au bout de sa rue, il y avait plusieurs voitures au Stop du carrefour avec le boulevard. Elle doubla toute la file d’un pas vaillant, contente de ne pas être dans la sienne à attendre son tour, déjà inquiète et stressée de manquer son train. Elle suivit le trajet de sa voiture, remontant le boulevard sous les arbres.
Elle regardait leurs troncs en marchant, s’étonnant de leur grosseur. Elle les avait vus beaucoup plus petits que ça lorsqu’ils les avaient plantés en refaisant la rue quelques années auparavant. Quelques, quelques… en fait, cela faisait un bon moment maintenant. À leurs pieds, de mauvaises herbes émergeaient de la terre dure. Ah non pas là, quelqu’un avait planté des fleurs, des légèretés roses et blanches dont elle ne connaissait pas le nom. Elle leva les yeux et regarda autour d’elle, elle passait devant un immeuble, le premier balcon à droite était tout fleuri. Elle reconnut les fleurs dans une des jardinières et sourit.
Au feu, elle revit dans la queue, une petite voiture blanche dont elle avait repéré l’autocollant et l’aile cabossée au Stop. Elle inspira avec satisfaction et poursuivit sa route en allongeant le pas.
La rue de la Gare, en pente légèrement ascendante… Elle respirait fort, en regardant les vitrines encore éteintes des magasins qui la bordaient. Le boulanger, par contre, était déjà ouvert, au croisement en haut de la rue piétonne. Le second feu, qui si elle avait attendu au Stop, eu le premier au rouge, la mettait en transe s’il passait lui aussi au rouge devant elle. Heureusement, ce n’était pas souvent, des piétons, à cette heure-là, il y en avait peu.
Elle hésita, regarda sa montre, elle était vraiment en avance et décida que c’était une journée spéciale, qu’elle pouvait se faire plaisir. Elle ne déjeunait pas vraiment le matin, un café au lait, une biscotte, pas le temps et pas envie non plus à cette heure-là. Par contre en arrivant au bureau, elle aimait prendre le café avec ses collègues en grignotant un truc pris à la machine, elle allait s’acheter un pain au chocolat. C’était un bon boulanger, le meilleur de la ville peut-être et ses viennoiseries étaient excellentes.
Toutefois, sur la banque de la caisse, une corbeille emplie de petites boules dorées et appétissantes lui fit de l’œil. « Petits pains des sportifs », elle avait fait du sport aujourd’hui ! Elle se renseigna, de la farine bio 5 céréales, noisettes amandes, abricots secs, figues sèches, cranberries… elle en prit deux.
Malgré ses achats, elle avait 5 bonnes minutes d’avance en arrivant sur le quai.
Elle passa une bonne journée, les petits pains étaient bons avec le café. Elle en partagea un avec Solène, la sylphide au corps d’acier qui la complimenta sur son choix. Du coup, elle rit avec les autres de ses commentaires de l’article du journal de filles, celui peuplé d’anorexiques au regard de veau. Un corps de rêve est à la portée de tous, il en faut juste la volonté. « Qui veut faire quelque chose, trouve un moyen, qui ne veut rien faire, trouve une excuse » disait l’article. Bien sûr ! Tout est simple par écrit.
Le soir, sur le chemin du retour, les mots lui revinrent à l’esprit. Ce qu’elle avait fait aujourd’hui, elle pouvait le faire tous les jours. Elle ne se trouverait pas d’excuses. Et peut-être que la prochaine prise de sang serait bonne.
☼
Elle avait persévéré et fait le trajet de la gare à pied jusqu’à ses vacances. Certains jours, ce ne fut pas facile, il pleuvait, elle était fatiguée, n’en avait pas envie… mais elle fit preuve de volonté et s’accrocha.
Pendant ses vacances, elle avait pris plaisir à promener la poussette du petit sur tous les chemins carrossables aux alentours du village. Son fils et sa belle-fille, harnachés de baudriers, dégaines et mousquetons, en profitaient pour escalader sur leurs cordes les sommets des environs. Elle attendait avec impatience, faisant même parfois un peu de bruit pour l’aider, que le petit se réveille de sa sieste pour lui refaire faire une promenade l’après-midi. La belle-fille avait été contente, elle la remmènerait certainement en vacances avec eux.
Depuis la rentrée, les jours avaient raccourci peu à peu, il faisait nuit maintenant quand elle partait. Mais cela lui semblait dorénavant naturel de faire ainsi, elle n’avait aucune envie de prendre sa voiture. Elle avait progressé, et depuis quelques temps avec un départ à la même heure et arrêt à la boulangerie, elle attrapait le 7 h 14.
Elle aurait pu partir un peu plus tard, mais dans le 7 h 14, il y avait l’homme du train.
Elle montait toujours dans le même wagon, quel que soit le train. L’homme aussi, elle l’avait repéré parmi les habitués. Il était toujours assis, dans un carré central, s’il n’avait pas de vis-à-vis, ses longues jambes minces allongées devant lui.
La semaine passée, par deux fois, il les avait repliées juste comme elle arrivait à hauteur des sièges. Elle s’était donc installée face à lui. La seconde fois, il lui avait même souri avant qu’elle ne s’assoie. En se glissant à sa place, sa tête s’était approchée de lui, elle avait senti son parfum, une odeur d’homme et de mer, un frisson l’avait parcourue. Elle avait rougi et fixé son regard sur la vitre et la nuit de l’autre côté. Comme le train quittait les lumières de la gare, elle y avait vu son reflet et s’était trouvée plutôt bien. Les joues roses, au-dessus de l’écharpe, les yeux lumineux, les cheveux légèrement ébouriffés par le vent ce jour-là. Elle avait ôté l’écharpe, mais n’avait pas osé ouvrir son manteau, elle était habillée comme un sac !
Après, durant le trajet, elle l’avait examiné d’un regard discret, pas d’alliance, un visage mince, émacié même, la peau tannée de bronzage aux rides marquées, il respirait le dehors, l’action, les yeux bleus derrière les lunettes, les cheveux ou ce qu’il en restait coupés plus que court. Elle l’avait trouvé beau.
Ce même matin, au lieu de l’accueillir par deux bises pointues, ou plutôt deux joues inattentives, sa bouche étant occupée à ses incessants bavardages, Solène, l’avait serrée dans ses bras en s’exclamant « – Que tu es belle ma Lucie ! Tu es amoureuse ? » Elle avait maugréé et s’était dépêchée de se retourner pour ôter son manteau, elle rougissait encore.
Elle avait passé la journée à penser à lui, en s’auto fustigeant pour cela. A son âge, avec son physique de baleine, qu’elle était bête de se comporter comme une midinette !
Toutefois, comme elle remontait pour la énième fois son pantalon, elle s’était dit que si elle s’habillait un peu mieux, elle pourrait être acceptable. Ses vêtements lui allaient trop grands, c’était quelque chose qui ne lui était pas arrivé depuis des années. Elle avait peut-être maigri… ou ils s’étaient avachis parce qu’elle n’achetait que des trucs pas chers…
Le soir, elle avait débarrassé le grand miroir de son entrée de toutes les choses qui pendaient devant, s’était déshabillée et s’y était examinée sans concessions. Mmmouais, peut-être… enfin, aucun magazine n’aurait publié une photo d’elle. Elle entreprit tout de même de partir à la recherche de son pèse-personne qu’elle avait entreposé, bien caché en haut d’un placard longtemps auparavant.
Elle le posa au milieu de sa salle de bain, elle ne voulait pas se jeter dessus. Elle se pèserait le lendemain matin, au réveil, à jeun et après être allée faire pipi, autant mettre toutes les chances de son côté.
Elle avait fermé les yeux en montant sur l’engin, pour ne les ouvrir qu’une fois le chiffre stabilisé et l’avait regardé plusieurs secondes avant de l’intégrer. Dix kilos, elle avait perdu dix kilos et ne s’en était même pas aperçue, pas étonnant que ses sacs tombent…
Elle avait passé le week-end à faire des essayages. Débarrassant son armoire de tous les trucs informes, les kilos, elle ne les reprendrait pas ! Dans sa nouvelle vie, celle où elle se déplaçait à pied, elle mangeait aussi différemment. Elle avait écouté parler Solène et la belle-fille. Petit-déjeuner de roi, elle s’achetait deux petits pains sportifs chaque matin. Même si elle en partageait souvent un avec Solène, ils la calaient bien jusqu’à midi, déjeuner de prince, plat du jour, mais pas de dessert dans un des petits restos autour du boulot. Diner du pauvre, une soupe, un fruit, pas de fromage, le fromage, c’est Satan ! La télé, uniquement si elle voulait regarder quelque chose en particulier et plus un biscuit, plus un bonbon à la maison… double et triple Satans ! Sinon au lit avec un livre et deux carrés de chocolat noir. Elle dormait beaucoup mieux maintenant, éteignant la lumière dès que ses yeux clignotaient. Et elle se levait en forme pour sa promenade du matin.
Toute à ses pensées, elle ne s’était même pas arrêtée à la boulangerie. Elle ne serait pas en retard pour le 7h 14 ! Aujourd’hui, elle pourrait ôter son manteau. Avec le joli pantalon bleu, elle portait la petite veste assortie et un pull au col en V qui laissait – oh, à peine – entrevoir ses seins. Solène allait se moquer d’elle…
En attendant sur le quai, son cœur battait fort. Peut-être aujourd’hui, le siège en face serait déjà occupé… Peut-être qu’il ne bougerait pas… Mais, et elle s’arma de courage, s’il repliait ses jambes pour qu’elle s’assoie en face de lui, elle lui sourirait, le remercierait d’un signe de tête et lui dirait Bonjour… Elle en serait capable… elle n’aurait pas honte d’elle.
Extrait de La Voie du Bateleur : « Jo était logé au village voisin, et c’est pendant une des grandes randonnées qu’il faisait pour retrouver son souffle qu’il était arrivé chez eux. »