LES CHEVAUX DU CHARIOT
EXTRAIT DU ROMAN :
« Ils sont à l’image de ceux de l’allégorie de Platon dans le Phèdre des dialogues socratiques.
L’âme humaine y est comparée à un char ailé tiré par deux chevaux de nature foncièrement dissemblable. L’un bon et discipliné, l’autre rétif, conduire un tel attelage ne peut que s’avérer difficile. Le premier cheval, beau, fort et obéissant aime la prudence et la modération. Il aspire au ciel, une parole encourageante lui suffit pour qu’il avance. Le second cheval, noir et mal bâti, cultive la démesure et la vanité. Il est attiré par la terre, seul le fouet le fera avancer. Ainsi va-t-il de notre âme humaine si complexe, tiraillée à hue et à dia entre mesure et vérité, injustice et désordre.
Cette image était déjà utilisée dans la philosophie yogi. On y parle de véhicule pour le corps. « Buddhi » – l’intelligence – correspond au cocher. Le « mana » – le mental – constitue les rênes. L’ensemble des sens forment les chevaux. Seule la maitrise de son mental permettra au cocher de contrôler ses sens et de conduire son véhicule à bon port. Le Jivatman, l’être incarné, est comparé au maitre du char. »
Passage emblématique du Phèdre dans lequel Platon compare l’âme à un attelage ailé
Voilà ce qu’il nous faut dire de l’âme tout entière. Quant à sa forme, elle serait trop longue à expliquer, et assurément elle dépasserait les forces d’un discours humain. Mais nous pouvons dire à quoi elle ressemble en la comparant à quelque chose. Comparons-la donc à une force naturelle composée d’un attelage ailé et d’un cocher. Les chevaux et les cochers des dieux sont tous bons et de bonne race ; mais ceux des autres sont mélangés. Nous avons d’abord un cocher qui mène un attelage de deux chevaux ; l’un est beau et bon, et de parents tels ; l’autre est le contraire, et de parents contraires. Voilà la difficulté et la dureté de notre attelage. »
Conduit par 2 chevaux fort différents l’un de l’autre
« [253d] Or, le premier des chevaux est beau et bon, et de parents tels ; l’autre est le contraire, et de parents contraires. Voilà la difficulté et la dureté de notre attelage. Le bon cheval se tient droit et a les membres bien faits ; son cou est haut, son nez aquilin ; sa couleur est blanche, avec des yeux noirs ; il aime la gloire avec sagesse et pudeur, et il est le compagnon de la vraie opinion ; il n’a pas besoin d’être frappé, mais il est conduit seulement par la parole et par la raison. Mais l’autre est tortueux, lourd, mal fait et grossier ; son cou est court et épais ; son nez est camard ; sa couleur est noire, avec des yeux gris et sauvages ; il est l’ami de la démesure et de la vanité ; il est velu aux oreilles, sourd, et obéit à peine aux coups d’éperon et au fouet. [254a] Or, lorsque le cocher aperçoit la figure de l’aimé qui cause une vive sensation et qui rappelle à toute l’âme la beauté, alors le cheval qui obéit au cocher et qui est plein de pudeur est retenu par la crainte ; mais l’autre n’obéit plus ni aux paroles du cocher ni aux coups de fouet, mais il s’élance violemment et emporte tout avec lui, causant toutes sortes de troubles à son compagnon et au cocher, et les forçant à s’approcher de l’objet aimé et à se souvenir des plaisirs de l’amour. Au début, ils résistent et refusent d’être entraînés malgré eux ; mais à la fin, lorsque le malheur ne cesse pas, ils s’approchent et cèdent ; et ils forcent le cocher à s’approcher de l’aimé et à échanger des paroles avec lui. Lorsque le cocher s’approche, et qu’il voit le visage brillant de l’aimé, le souvenir de la beauté se répand dans toute son âme et le remplit de joie ; et cette joie fait que les rênes sont encore plus violemment relâchées ; [254b] et les deux chevaux, emportant le cocher malgré lui, s’élancent en avant. Le bon cheval, selon sa coutume, plein de pudeur, retient son élan et n’entraîne pas le cocher malgré lui. Mais le mauvais cheval, ne tenant compte ni des coups de fouet ni des éperons, s’élance violemment, et, lorsqu’il a entraîné les autres près de l’aimé, il le force à lui faire des propositions et à lui accorder les plaisirs de l’amour. Alors le cocher résiste, et l’autre cheval s’y oppose avec violence, et il rappelle à son compagnon les maux et les douleurs qu’il lui a causés autrefois. Au début, ils refusent tous deux de faire ce qui est mal ; mais à la fin, lorsque le mauvais cheval l’emporte, ils s’avancent et font ce qui a été proposé. [254c] Or, après cela, ils recommencent à faire de même, et lorsqu’ils sont près de l’aimé, le mauvais cheval, piqué par le souvenir du plaisir, essaie de l’emporter de nouveau. Mais le cheval opposé, plein de pudeur, s’y oppose, et le cocher aussi. Et lorsqu’ils sont en lutte, le mauvais cheval, s’il ne parvient pas à l’emporter, dit à son compagnon : « Puisque tu me fais obstacle et que tu me refuses la jouissance, nous nous en prendrons à lui sans aucun égard. » Et il entraîne les deux chevaux, et il commet l’acte qu’il désire. Or, lorsqu’ils se souviennent de ce qui s’est passé, ils sont remplis de remords ; mais ils recommencent à faire de même. [254d] Telle est la vie de ceux qui suivent la voie de l’amour. Mais lorsque le temps approche où ils doivent faire le bien à l’aimé, voici comment ils se comportent. Le cocher, retenant les rênes, ne laisse pas les chevaux toucher l’aimé. Mais les chevaux, l’un consentant volontiers, mais l’autre s’y opposant avec violence, tirent chacun de son côté. Lorsque le mauvais cheval tire avec violence, et qu’il cause de la douleur à son compagnon et au cocher, il est vaincu par la honte, et il cesse sa violence. Et ainsi, l’âme de l’amant suit l’aimé avec respect et crainte. [254e] Et lorsque le temps approche où ils doivent lui rendre les faveurs qu’ils ont reçues, le bon cheval ne s’y oppose pas ; mais le mauvais cheval s’y oppose ; et il est plein de colère, et il tire sans vergogne. L’effet sur le cocher est le même qu’auparavant, mais plus prononcé ; il recule comme un coureur de la corde de départ, tire le mors en arrière encore plus violemment qu’avant des dents du cheval indiscipliné, couvre sa langue et ses mâchoires injurieuses de sang, et force ses jambes et ses hanches au sol, lui causant beaucoup de douleur. Or, lorsque le mauvais cheval a vécu la même expérience à plusieurs reprises et a cessé son indiscipline, il est humilié et suit désormais la sagesse du cocher, et lorsqu’il voit le bel homme, il est submergé de peur ; et ainsi, à partir de ce moment, l’âme de l’amant suit l’aimé avec respect et crainte. »
POUR LES FANS : » Περὶ μὲν οὖν ἀθανασίας αὐτῆς ἱκανῶς· περὶ δὲ τῆς ἰδέας αὐτῆς ὧδε λεκτέον. Οἷον μέν ἐστι, πάντῃ πάντως θείας εἶναι καὶ μακρᾶς διηγήσεως, ᾧ δὲ ἔοικεν, ἀνθρωπίνης τε καὶ ἐλάττονος· ταύτῃ οὖν λέγωμεν. Ἐοικέτω δὴ συμφύτῳ δυνάμει ὑποπτέρου ζεύγους τε καὶ ἡνιόχου. Θεῶν μὲν οὖν ἵπποι τε καὶ ἡνίοχοι πάντες αὐτοί τε ἀγαθοὶ καὶ ἐξ ἀγαθῶν, τὸ δὲ τῶν ἄλλων μέμεικται. Καὶ πρῶτον μὲν ἡμῶν ὁ ἄρχων συνωρίδος ἡνιοχεῖ, εἶτα τῶν ἵππων ὁ μὲν αὐτῷ καλός τε καὶ ἀγαθὸς καὶ ἐκ τοιούτων, ὁ δ᾽ ἐξ ἐναντίων τε καὶ ἐναντίος· χαλεπὴ δὴ καὶ δύσκολος ἐξ ἀνάγκης ἡ περὶ ἡμᾶς ἡνιόχησις. Πῇ δὴ οὖν θνητόν τε καὶ ἀθάνατον ζῷον ἐκλήθη πειρατέον εἰπεῖν. Ψυχὴ πᾶσα παντὸς ἐπιμελεῖται τοῦ ἀψύχου, πάντα δὲ οὐρανὸν περιπολεῖ, ἄλλοτ᾽ ἐν ἄλλοις εἴδεσι γιγνομένη. »
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