L’apologue du jeune Hercule et des choix à effectuer à la croisée des chemins a inspiré la lame de L’AMOUREUX des Tarots de Marseille et servi de sujet à de nombreux artistes de la Renaissance. Nicolas POUSSIN – CARACCI – RUBENS – VERONESE – DURER… On retrouve leurs œuvres dans le musées du monde entier.
Le sophiste Prodicus de Ceos avait été l’un des maitres de Socrate. Il fut lui aussi condamné, peu de temps après son élève et pour les mêmes motifs, à la dégustation de la cigüe. Son recueil de contes moraux présentés sous forme d’allégories : Les saisons de la vie, n’est pas parvenu jusqu’à nous. Mais Xénéphon, disciple de Socrate, nous a transmis le célèbre Apologue du Choix d’Hercule. Prodicus le lisait publiquement dans les villes où il passait, partout applaudi, surtout à Lacédemone. Cicéron y fait souvent allusion. Cette allégorie est l’un des plus beau moment qui nous soit resté de l’éloquence et de la morale des sophistes.
Parce que celui-ci était sujet à l’indiscipline et à de grosses colères, Amphitryon, le père nourricier d’Hercule l’avait envoyé se mettre au vert et garder des troupeaux.
Pour rappel : Amphitryon est le mari d’Alcmène, la mère d’Hercule qu’elle a conçu avec Zeus, l’Empereur des dieux. Celui-ci, usant comme à son habitude de son pouvoir de « transformeur » avait pris l’apparence de son époux.
C’est pendant cet exil campagnard que le jeune demi-dieu atteignit ses 18 ans. C’est là aussi que lui apparurent la Volupté et la Vertu ou leur incarnation en déesses Vénus et Minerve.
EXTRAIT DU ROMAN : LES CHOIX DE L’AMOUREUX
L’AMOUREUX – L’heure du choix.
C’est ce qui n’allait pas manquer d’arriver au sien d’Amoureux avant qu’il ne s’embarque dans son Chariot. Michaël se trouvait à la croisée des chemins, tout comme Hercule dans la parabole connue comme l’un des mythes fondateurs de la lame. Au sortir de son enseignement avec son précepteur le centaure Chiron, le demi-dieu, fils de Zeus et d’Alcmène, s’était vu proposer, par les déesses Vénus et Minerve, le choix entre la volupté et la vertu. Le sujet avait, au cours des siècles, appelé l’âme de nombreux artistes de toutes origines et poussé leurs esprits créatifs à s’exprimer dans de multiples et variées représentations picturales du thème.
Socrate, dans ses dialogues, cite l’apologue du choix d’Hercule, tel qu’il lui avait été raconté par son maitre Prodicus. Xénophon, l’historien grec, élève du célèbre philosophe, l’a repris dans ses mémorables. L’allégorie guide les préceptes et les bases philosophiques de l’arcane de L’AMOUREUX : aucun choix n’est parfait. « À peine sorti de l’enfance, à cet âge où les jeunes gens, devenus maitres d’eux-mêmes, font déjà voir s’ils suivront, pendant leur vie, le chemin de la vertu ou celui du vice, Hercule s’assit dans un lieu solitaire, ne sachant laquelle choisir des deux routes qui s’offraient à lui. Soudain, il voit s’avancer deux femmes d’une taille majestueuse. L’une, joignant la noblesse à la beauté, n’avait d’ornements que ceux de la nature ; dans ses yeux régnait la pudeur ; dans tout son air la modestie ; elle était vêtue de blanc. L’autre avait cet embonpoint qui accompagne la mollesse, et, sur son visage apprêté, la céruse et le fard altéraient les couleurs naturelles ; la démarche altière et superbe, les regards effrontés ; parée de manière à laisser entrevoir tous ses charmes, elle se considérait sans cesse elle-même, et ses yeux cherchaient des admirateurs ; que dis-je ? Elle se plaisait à regarder son ombre. Lorsqu’elles furent toutes deux plus près d’Hercule, la première vint à lui sans hâter le pas ; mais l’autre voulant la prévenir accourut vers lui. « Hercule, lui dit-elle, je vois que tu ne sais quel chemin tu dois prendre. Si tu me fais ton amie, je te conduirai par la route la plus douce et la plus facile ; aucun plaisir ne te sera refusé ; aucune peine n’affligera ta vie. D’abord, tu n’auras à redouter ni la guerre, ni les vains soucis : ta seule occupation sera de trouver les boissons et les mets qui pourront te plaire, ce qui flattera le mieux, à ton avis, les yeux et les oreilles, l’odorat et le toucher ; les amours avec toute leur ivresse ; le sommeil avec toute sa douceur ; et tu ne songeras qu’au moyen le plus court d’être heureux….. »
— Non, comme on a dit tout à l’heure, si quelqu’un est au courant, c’est un membre de la famille.
Sa mère débarrassait le plateau du café vers la cuisine et avait élevé la voix pour que sa sœur l’entende tout de même, tirant Jo de sa torpeur onirique. Il grogna. Ce crétin d’Hercule avait choisi la vertu qui lui promettait bonheur et gloire et s’en était allé occire le lion de Némée. Puis, il était devenu fou, avait massacré femme et enfants et s’était retrouvé à devoir effectuer, en punition, ses douze Travaux d’Intérêt Général. Alors que pendant ce temps, il aurait pu se vautrer dans la luxure et les draps de soie. Quel crétin ! Il avait certes reçu de la gloire en pagaille, sa vie légendaire avait traversé les siècles, mais de bonheur, point ! Autre enseignement à ne jamais oublier : les déesses comme les dieux ne prodiguent que mensonges et fausses promesses. Il grommela et se redressa dans son fauteuil.
La suite de l’apologue…
….Et, si tu crains de manquer jamais des trésors qui achètent les Plaisirs, rassure-toi, je t’en comblerai, sans prescrire jamais à ton corps ni à ton esprit des travaux pénibles: tu jouiras des travaux des autres; tout, pour t’enrichir, te sera légitime je donne à ceux qui me suivent le droit de tout sacrifier au bonheur.
— Et vous que je viens d’entendre, répondit Hercule, quel est votre nom?
— Mes amis, dit-elle, me nomment la Félicité; mes ennemis, mes calomniateurs, m’ont appelée la Volupté. »
Cependant l’autre femme s’était avancée. Elle parle en ces mots: « Et moi aussi, Hercule, je parais devant toi, c’est que je n’ignore pas de qui tu tiens le jour, c’est que ton éducation m’a révélé ton caractère. J’espère donc, si tu choisis ma route que tu vas briller entre les grands hommes par tes exploits et tes vertus, et donner ainsi un nouvel éclat à mon nom, un nouveau prix à mes bienfaits. Je ne t’abuserai pas en te promettant les plaisirs; j’ose t’apprendre avec franchise les décrets des dieux sur les hommes. Ce n’est qu’au prix des soins et des travaux qu’ils répandent le bonheur et l’éclat sur votre vie. Si lu désires que les dieux te soient propices, rends hommage aux dieux; si tu prétends être chéri de tes amis, que ton amitié soit généreuse; si tu ambitionnes les honneurs dans un état, sois utile aux citoyens; s’il te paraît beau de voir tous les Grecs applaudir à ta vertu, cherche à servir la Grèce entière; veux-tu que la terre te produise des fruits abondants? tu dois la cultiver; que tes troupeaux t’enrichissent? Veille sur tes troupeaux; aspires-tu à dominer par la guerre, à rendre tes amis libres et tes ennemis esclaves? apprends des guerriers habiles l’art des combats et que l’expérience t’enseigne à le pratiquer, veux-tu enfin que ton corps devienne robuste et vigoureux? souviens-toi de t’accoutumer à l’empire de l’âme, et de l’exercer au milieu des fatigues et des sueurs. »
Sa rivale l’interrompit: « Ne vois-tu pas, Hercule, les obstacles et la longueur de cette route qui mène, dit-on, au bonheur? Moi je t’y conduirai par un chemin court et fleuri. »
« Malheureuse, reprends la Vertu, de quel bonheur viens-tu parler? Quels plaisirs connais-tu, toi qui ne veux rien faire pour en mériter, toi qui préviens tous les besoins qu’il est doux de satisfaire et jouis sans avoir désiré; toi qui manges avant la faim, qui bois avant la soif; qui, pour assaisonner les mets délicats, emploies les mains les plus savantes; qui pour boire avec plus de charme, amasses des vins somptueux et court çà et là chercher de la neige en été; qui pour dormir plus doucement, imagines de fins tissus, de riches tapis étendus sous des lits superbes? Tu cherches le sommeil, non par besoin du repos mais par oisiveté. Dans l’amour, tu préviens et tu outrages la nature; et tes amis, instruits par tes leçons, passent la nuit en plaisirs coupables, et la plus utile partie du jour dans une lâche inaction. Quel homme voudrait te croire quand tu lui parles, te secourir quand tu l’implores? Quel homme sensé oserait se mêler à tes vils adorateurs? Jeunes, ils traînent un corps languissant; plus âgés leur raison s’égare; aux brillants plaisirs d’une jeunesse oisive, succèdent les ennuis d’une laborieuse vieillesse; honteux de ce qu’ils ont fait, accablés de ce qu’ils font, ils ont couru, dans leur premier âge, de délices en délices, et réservé tous les maux pour leur déclin. Moi, je suis la compagne des dieux, la compagne des mortels irréprochables; sans moi, rien de sublime parmi les dieux ni sur la terre. Je reçois les plus grands honneurs, et des puissances divines; et de ceux d’entre ceux d’entre les hommes qui ont le droit de m’honorer. L’artisan n’a personne qui le soulage plus que moi dans ses peines; le chef de famille n’a pas d’économe plus fidèle; l’esclave, d’asile plus assuré; les travaux pacifiques, d’encouragement plus efficace; les exploits militaires, de meilleur garant de triomphe; l’amitié, de nœud plus sacré. Ceux qui me chérissent trouvent dans le boire et le manger un plaisir qu’ils n’achètent pas; ils attendent seulement que le besoin leur ait commandé. Le sommeil leur est plus agréable qu’aux riches indolents; mais ils se réveillent sans chagrin, et jamais l’heure du repos n’a pris sur celle du devoir. Jeunes, ils ont le plaisir d’entendre les éloges des vieillards; vieux, ils aiment à recueillir les respects de la jeunesse. C’est avec soin qu’ils se rappellent leurs actions passées; ils font avec joie ce qui leur reste à faire; et c’est moi qui leur concilie la faveur des Dieux, l’affection de leurs amis, les hommages de leurs concitoyens. Quand le terme fatal arrive, l’oubli du tombeau ne les ensevelit pas tout entiers, mais leur mémoire, toujours florissante, vit dans un long avenir. Imite leur grande âme, ô jeune héros ! sois digne du sang généreux qui t’a fait naître je te promets le bonheur et la gloire. »
Et pour le texte en grec c’est ICI
Haendel, grand fan du demi-dieu a consacré un oratorio à ce moment précis de sa vie.